La voix

A travers la porte, je l'ai entendue, cette voix que j'ai tant aimée et tant haïe, celle que j'ai tant désirée et tant redoutée, celle qui susurrait et celle qui hurlait, celle qui accompagnait mes pas et celle qui m'a fait mettre le genou à terre.

Alors que l'angoisse était déjà au creux de mon ventre, la boule de nerf se développait insinueusement dans chacune de mes entrailles, s'infiltrant à chaque inspiration, se localisant au bord des yeux.

Les larmes ont trouvé leur voie sur mes cils non maquillés, sans fard, sans facétie, prêtes à couler aux moindre prémices de leur crainte.

Ces voix s'élevaient à l'intérieur, tandis que nos paroles d'encouragement se taisaient sur nos lèvres, et que nos mots trahissaient les maux de notre âme.

D'un son à une image, il n'a fallu qu'une seconde pour que tout remonte en surface, que les souvenirs reviennent hanter mon esprit torturé, qui ne s'était jamais éteint, juste mis en veille.

Cette voix sûre d'elle, enjôleuse, médisante, caressante, méprisante, murmurée, insultante, celle qui s'était tue depuis des années, à nouveau faisait reparler d'elle.

J'avais cru espérer ne plus la retrouver, la laisser s'abandonner dans les abîmes de ma mémoire, la rangeant dans un tiroir fermé à double tour.

J'avais pensé ne plus devoir subir, ne plus supporter, et même si je ne suis pas au 1er rang cette fois, à travers elles, je me retrouve propulsée dans le passé de mes blessures.

Sa voix, reflet du miroir de sa bouche dans la colère, écrasant tout amour disparu sous les coups, effacé par les bleus qui recouvraient la peau tourmentée.

La boule de nerf a éclaté, entrecoupée de sanglots lugubres ressassant tous ses vices et ces malheurs rencontrés, tous ces espoirs perdus, la protection l'enveloppant volant en mille morceaux, au simple fait d'une voix entendue à travers les murs.

Je voudrai casser la voix de celui à qui elle appartient, lui couper la langue, le condamner au silence pour la vie, que plus aucune de ses paroles viennent lacérer le cœur et l'esprit de ces autres qui reçoivent ce chant diabolique qui est le sien.

La voix d'hier ne doit pas devenir celle de demain, elle ne doit plus pouvoir toucher de plein fouet le visage souriant de ceux qui veulent s'éloigner loin de ces échos cauchemardesques.

A moi de venir bercer de douceur, d'amour, et de bonté, leurs oreilles qui ont entendues de plus belles merveilles depuis, des je t'aime et des fiertés, ma voix leur apportant sérénité et bonheur, gommant au passage les verves maléfiques.

La voix...sa voix n'est pas la mienne, elle ne le sera plus, ma voix sera plus haute, plus forte, elle sera porte parole de leur voix, plus aucun mot tu, plus aucun interdit, juste nos voix pour aller sur la voie de notre tranquilité.